Islande: pansements budgétaires
Si la naissance du subventionnisme étatique remonte à la seconde guerre mondiale, il n'a cependant jamais été aussi répandu et généralisé qu'aujourd'hui. Et ce constat n'est pas particulièrement rassurant pour l'avenir. Avant-hier, j'ai cependant assisté à un colloque en Islande où un intervenant a remis en cause l'utilité des subventions publiques dans l'industrie. Un discours qui fait plutôt du bien, dans un paysage industriel où les subventions publiques sont devenues du petit lait que tout le monde boit allègrement. Cet intervenant expliquait pourquoi les subventions sont une forme moderne de superstition. En effet, si l'on suit le raisonnement qui se cache derrière, les élites sauraient mieux que le marché quels secteurs et quels produits vont rencontrer la consécration à l'avenir ! Les autorités décident par exemple que les panneaux solaires doivent obtenir des subventions car ils ne sont pas encore compétitifs. Mais en quoi cette ingérence est-elle pertinente ou justifiée ? Ce qui n'est pas compétitif n'est pas viable. Il en va de même pour le nucléaire, d'ailleurs. Les subventions publiques sont bien le seul moyen de rentabiliser le nucléaire : l'assurance du risque nucléaire serait autrement bien difficile à assurer sur le marché libre ! Mais en prenant ce risque à sa charge, l'Etat favorise l'énergie nucléaire au détriment de toutes les autres technologies. Mais qu'on s'interroge un peu : en quel honneur des ministres seraient-ils mieux placés que le marché pour identifier quels secteurs seront ou non auréolés de succès ? En comparaison de cette poignée d'énarques, le marché rassemble chaque jour les avis et les souhaits de millions de personnes. Que pourrait-il donc exister de mieux pour déterminer ce qui va marcher ou non ? Dans la sélection de la technologie d'avenir, tout le monde a son rôle à jouer, même les pouvoirs publics. Mais certainement pas en déréglant un processus de compétitivité bien huilé : la mission des pouvoirs publics devrait surtout consister à encourager le plus possible la recherche scientifique fondamentale et appliquée. Le rôle du libre marché consiste quant à lui à déterminer quelle technologie saura résister à l'épreuve du marché. Dans un libre marché, plusieurs technologies concurrentes peuvent se livrer bataille pour obtenir les faveurs du consommateur. C'est elles, et elles seules, qui doivent convaincre le consommateur grâce à leur prix, leur qualité et leur service. Mais comme j'ai pu le constater au vu des réactions pendant ce séminaire, le clientélisme est devenu la normalité et bien peu d'industriels comprennent l'intérêt de s'en débarrasser. Argent facile rend paresseux, n'est-ce pas... Retrouvez plus de renseignements sur l'organisateur de ce séminaire en Islande.
Urgence de gauche
Les Français accorderont sûrement dimanche une majorité absolue à Emmanuel Macron, avec de futurs députés dont le seul programme et engagement pour les cinq ans qui viennent est d’avoir juré obéissance aveugle et sans condition au Président et à son gouvernement, dont le Premier ministre se revendique fièrement de droite. Pour quoi faire ? Nul ne le sait, mais il n’est pas interdit de s’en faire une petite idée au regard des premières annonces concernant tout aussi bien la hausse de la CSG pour les retraités en même temps qu’une réduction considérable de l’impôt sur les grandes fortunes - beau sens des priorités fiscales - ; la disparition d’une centaine de milliers de postes dans la fonction publique - et on sait que ce sont toujours les mêmes quartiers et villes populaires qui en pâtissent - ; ou encore l’adoption d’une loi travail par ordonnances dès cet été. Une loi dont le couple exécutif s’est bien gardé de dévoiler les objectifs en se réfugiant derrière l’annonce d’une méthode de consultation qui ne vise en réalité qu’une seule chose : confisquer tout débat démocratique aux parlementaires et toute forme d’opposition. Le droit du travail dans notre pays est en danger : il y a une urgence à doter l’Assemblée nationale d’un minimum de capacité à s’opposer aux régressions sociales les plus graves et à protéger les salariés les plus fragiles. On connaissait la rengaine de la droite dure sur «ces protections sociales qui décourageraient l’embauche et l’initiative». On ne s’imaginait pas la retrouver telle quelle, adoptée par La République en marche, tout juste ripolinée avec les mots doux de la modernité la plus libérale, sous couvert de progrès et de souplesse. A l’évidence, notre pays a besoin de mieux organiser les transitions nouvelles dans la vie professionnelle, d’accompagner les mobilités, de prendre en compte les mutations du travail, en conciliant le droit à la formation initiale et continue et un haut niveau d’indemnisation des périodes de chômage, en contrepartie d’une plus grande fluidité du marché du travail. Mais pour y parvenir, rien ne serait plus injuste que d’opposer les salariés entre eux, et les salariés aux personnes privées d’emploi, car cette logique mortifère n’a pour conséquence que le moins-disant social. Ce ne peut être un horizon de société souhaitable et acceptable dans la France d’aujourd’hui. Les Français l’ont compris et l’ont rappelé à de multiples occasions : ils refusent que l’accès à l’emploi stable passe par le renoncement à tous les acquis sociaux, dans l’acceptation de conditions de travail toujours plus dégradées. Malgré toutes les critiques, souvent fondées, qui lui ont été adressées, la loi travail portait en elle cette recherche d’équilibre et de compromis, comme l’a montré la création du compte personnel d’activité. Certains ont jugé l’équilibre insuffisant, notamment à cause des dispositions excessives voulues à l’époque par le ministre Emmanuel Macron. D’autres ont voulu y voir un socle de droits novateurs qui méritait d’être approfondi. J’en fais partie. Mais force est de constater, aujourd’hui, qu’avec les propositions du gouvernement, la volonté d’équilibre a vécu : le vernis du discours «progressiste éclairé» du Président s’efface au profit d’un projet très idéologique, brutal et déséquilibré, au détriment des salariés. Alors que les lois portant sur la réforme du travail et adoptées durant le dernier quinquennat commencent à peine à produire leurs effets, et qu’aucune de leurs dispositions n’a fait l’objet d’une évaluation sérieuse, quelle urgence commande cette nouvelle réforme du code du travail ? Quelle obsession exige d’en faire l’axe central de la politique de l’emploi ? Quelle nécessité justifie cette mise sous tension permanente des salariés et de leurs droits, rendus coupables de tous les maux économiques et du chômage qui frappe notre pays ? Comme si la précarité n’était pas déjà beaucoup trop forte en France, en particulier chez les jeunes. Comme si la lutte contre le chômage justifiait la création de nouveaux travailleurs pauvres. Comme s’il suffisait d’accroître la précarité pour créer de l’emploi. Ce qui se prépare pour les prochaines semaines, c’est l’alignement sur les obsessions revanchardes d’une partie du patronat, d’un match retour après la loi travail pour tous ceux qui estimaient qu’elle n’allait pas assez loin dans la suppression des garanties collectives. C’est beaucoup plus inquiétant que ce que le candidat avait annoncé dans sa campagne : l’autorité donnée à l’accord d’entreprise sur le contenu du contrat de travail, la diminution des plus bas salaires, l’assouplissement des règles de santé et de sécurité, l’instauration d’un droit au licenciement abusif à bas coût ou encore l’oubli du compte personnel d’activité. «Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit», écrivait Lacordaire : en matière de droit du travail, en particulier au niveau de l’entreprise ou les salariés isolés et précarisés sont en situation défavorable pour négocier avec les employeurs, cette affirmation trouve tout son sens. C’est en réalité notre modèle social issu du compromis de l’après-guerre, fondé sur la construction de garanties collectives nationales et à l’échelle des branches, et sur une vision émancipatrice du travail qui respecte les droits des salariés qui est remis en cause.
Malheureux qui comme Pesquet a fait un beau voyage…
... et rentre sur Terre pour découvrir que le deuxième plus gros pollueur de la planète, les Etats-Unis, a décidé de se retirer de l'accord de Paris.
Enfin, les Etats-Unis : pas tout à fait. La décision est plutôt le fait d'un seul homme : l'inénarrable Donald Trump. Sa décision doit faire le bonheur des dentistes, parce qu'elle a fait grincer les dents de pas mal de monde (une chose dont Trump semble s'être fait une spécialité : c'est peut-être même la seule qualité du bonhomme !). Et pas que dans les 194 autres pays signataires, qui plus est. Au sein même de l'Amérique (trois Etats ont décidé de respecter cet accord, de même que 70 villes américaines). Au sein même de sa propre administration (comme son conseiller stratégique, qui était résolument pour respecter cet accord). Au sein même de sa propre famille (Ivanka Trump et Jared Kushner ont milité en faveur du maintien de cet accord).
Bref, plus que les Etats-Unis qui se désistent, il faudrait plutôt parler d'une Amérique. Pas celle des côtes et des Etats progressistes, mais celle d'une Amérique profonde qui croit au fake news mais ne croit pas en la réalité du changement climatique. Les deux allant souvent de pair, tant il traîne d'intox sur internet postées par des climatosceptiques !
Mais heureux qui comme Pesquet a fait un beau voyage, et voit que face à Trump, la résistance s'organise. Pas seulement aux Etats-Unis, mais partout dans le monde. Cela a quelque chose de rassurant. Pour nous, pour la suite. Et surtout, pour nos enfants.
Make our planet great again.